Monsieur Alfred Landry

Il habita à la Ferté pendant quelques années, et écrit un texte intitulé:  "En montant la côte - De Choisel à la Ferté"
suivi du Père Félix et du Retraité.

Il a immortalisé Choisel par quelques dessins, aquarelles et peintures.

Passionné par le dessin dès l'enfance, il commença à peindre et dessiner qu'en 1917, malheureusement devenu presque aveugle, il dut abandonner la peinture dans les dernières années de sa vie; Il continua son autre passion, la composition de poèmes; Il s'agit de petits textes emplis d'émotion, de nostalgie ou bien souvent d'humour, comme le poème COA, quelques lignes amusantes moquant les Commis Ouvriers d'Administration, ou un dessin humoristique daté de 1947.

Découvrez à la suite le texte, le poème , le dessin humoristique, Mais aussi les dessins et peintures de Monsieur Alfred Landry.
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Vous allez découvrir dans cet onglet, des histoires autour de personnalités qui ont vécu ou séjourné sur notre commune.

  • En premier : Un couple Suédois à Choisel - Ingrid Bergman et Lars Schmidt


  • En second : Jules Roy et Albert Camus  (Une amitié d'écrivains à Choisel)

                      

  • En troisième : Pierre Bayle - Jacque Simonot - André Claveau    

                           ( Les 3 mousquetaires Rimorièrins) 

  • En quatrième : Paul Delvaux - peintre Belge  (Un jardin secret à Choisel)

1- Un couple Suédois à Choisel - 

Ingrid Bergman et Lars Schmidt 



Ingrid Bergman. Actrice suédoise.
Née le 29 août 1915 à Stockholm et 
décédée le 29 août 1982 à Londres,


Lars Reinhold Schmidt . 
Producteur, réalisateur et éditeur de théâtre suédois.
Né le 11 juin 1917 en Suède  et 
décédé le 18 octobre 2009 en Suède. 

I


Ingrid Bergman est considérée comme l’une des plus grandes actrices de l’histoire du cinéma, avec une carrière internationale, elle tourne avec les plus grands acteurs hollywoodiens sous la direction de réalisateurs fameux, elle connaît son apogée avec trois films d’Alfred Hitchcock :   

                                                           La maison du docteur Edwardes (1945) 

                                                           Les Enchaînés (1946)  
                                                           Les Amants du Capricorne (1949). 

La rencontre.

La première rencontre a lieu en 1956, Ingrid Bergman croise au théâtre Lars Schmidt,  un producteur de nationalité suédoise, comme elle.  Mais c’est en 1958 que Lars Schmidt devient le nouvel homme dans la vie d’Ingrid Bergman. Ils se marièrent le 21 décembre 1958.


Cadre idyllique de Choisel.

Ingrid Bergman souhaitait garder une attache en France, pour y vivre avec ses enfants, ils sillonnèrent la région parisienne, en quête d’une maison, à l’abri des journalistes. Le hasard les mena à Choisel, où une ferme était en vente à la Ferté, ils arrivèrent devant une grande porte peinte en vert, ouvrant sur une vaste pelouse, au fond de laquelle se dressaient un groupe de cèdres magnifiques, d’une espèce qu’Ingrid ne connaissait pas. Après avoir embrassé le jardin du regard, elle s’avança de quelques pas pour mieux voir la petite ferme et ses vieux murs de pierre grise.

Elle comprit tout de suite que cette maison était exactement ce qui leur fallait.

La vie à Choisel. 

Les années qu’Ingrid Bergman passa avec Lars Schmidt à Choisel comptèrent parmi les plus heureuses de sa vie.   (Ils ont été mariés de 1958 à 1975). 

La propriété était entretenue par un fantastique jardinier d’origine danoise et son épouse, en qui le couple avait entièrement confiance. Bente et Finn Erbs sont venus à partir de 1962 à Choisel, assurer l’intendance de la propriété et y sont restés 20 ans jusqu’en 1982. Un havre de paix pour Ingrid Bergman, que le couple Bente et Finn Erbs s’attachait à rendre extérieurement et intérieurement harmonieux en lien avec  le cadre et la nature environnante. Ce lieu inspira la paix et l’harmonie, un temple de calme, c’était la force et le refuge pour Ingrid Bergman. 
 

Finn Erbs a rencontré Mr Lars Schmidt à Copenhague en mars 1962. 


Après l’achat de la maison par Lars Schmidt, Ingrid Bergman emmena ses enfants à Choisel, où ils se plurent immédiatement.

 


Même si Ingrid Bergman et Lars Schmidt sortaient peu dans Choisel, ou alors en promenade en compagnie d’un de leurs 4 chiens, Ingrid Bergman participe à la vie de Choisel, elle offre un projecteur de cinéma à l’école communale, finance le Noël des enfants ou encore le 1er éclairage de l’église

Ingrid Bergman et Lars Schmidt devant l'ancienne mairie -école.

Ingrid Bergman préférait la douceur de sa propriété, avec son âne « Garibaldi » (offert après un tournage en Sardaigne) sa compagne « Anita » et leurs petits. Finn Erbs se souvient qu’à la naissance d’un ânon, il était baptisé au champagne, et un collier de grosses perles jaunes et bleues, aux couleurs de la Suède, lui était mis autour du cou. (On aperçoit le collier autour du cou de l’ânon sur la photo ci-dessus)

Mais aussi avec ses chiens
 "Aggripa, Tim, Mia et Bobby". Un panneau sur le porche indiquait 
« Attention 4 chiens »


Pour Bente et Finn Erbs, Ingrid Bergman était une grande dame, naturelle, généreuse, d’une extrême  gentillesse, qui partageait avec nous des moments, que nous pouvons dire, « familiaux ».

                               Merci à Bente et Finn Erbs, d’avoir accepté de partager leurs souvenirs. 


Hommage de la Commune de Choisel à Ingrid Bergman

                                                                                                   
En 2005, l’ancien bâtiment Mairie-école est devenu l’Espace Ingrid Bergman, inauguré le 10 septembre, par Monsieur le Ministre
de la culture, aux côtés de Mr Claude Juvanon, le maire, du ministre Gérard Larcher et de la députée Valérie Pécresse.

En présence de Monsieur L’ Ambassadeur de Suède et du fils d’Ingrid Bergman, Roberto Rosselini.


Roberto Rosselini s’est souvenu avec émotion du Choisel de son enfance, entre l’âge de 6 ans et de 11 ans :
« c’était le paradis, une maison qui reste attachée à mes rêves d’enfance »

 
Extrait du discours de Monsieur Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture.

"Je suis très heureux d’ouvrir avec vous ce nouveau lieu de culture, dédié à l’une des plus illustres actrices du XXe siècle. À quelques jours près, nous célébrons en effet le 90e anniversaire de la naissance d’Ingrid Bergman, qui a vécu ici, à Choisel, les vingt dernières années de sa vie, en compagnie de Lars Schmidt et de plusieurs de ses enfants, dont Isabella Rossellini, mais aussi les 110 ans du cinéma et les 20 ans du parc naturel de la Haute Vallée de Chevreuse. Et maintenant, votre ancienne Mairie-Ecole devient le Centre culturel Ingrid Bergman. Vous restituez ici la mémoire de cette étoile internationale qui a profondément marqué le cinéma mondial par son intelligence, sa beauté, sans doute avec Garbo et Dietrich, l’actrice européenne la plus populaire du siècle passé et la plus emblématique de la puissance du cinéma, qui nous apporte tant d’émotions, plus fort que toutes les frontières du temps et de l’espace…"


 

Son visage fascinait. 

Ingmar Bergman,
(Metteur en scène, réalisateur suédois – sans lien de parenté avec Ingrid Bergman)
disait:
« J’ai toujours été fasciné par son visage –la peau, les yeux,
la bouche, surtout la bouche- possédait un rayonnement très particulier, un attrait érotique extraordinaire… » 

Photographie du buste d’Ingrid Bergman, du sculpteur suédois Gudmar Olovson, offert par
 Lars Schmidt à la Mairie de Choisel


Une copie en plâtre est exposée dans une vitrine à l’entrée de la mairie.

Une rose de légende, 
Rose « Ingrid Bergman »
Le rosiériste danois Poulsen a réussi en 1986 l’une des plus belles roses rouges.
Au parfum léger, au rouge sang profond et délicat, cette variété robuste dédiée à la célèbre actrice suédoise s’affiche aussi bien au jardin qu’en bouquet d’intérieur.
Une rose aussi belle et élégante que la divine héroïne de « Casablanca »


Un tombeau dans la mer : vue des rochers de Danholmen, au large desquels les cendres d’Ingrid Bergman ont été dispersées, et sur lesquels ont été gravées 
sa signature et ses dates de naissance et de mort.
 
 

 

Publication lundi 29 août 2022 de cet hommage sur notre site, 
soit 40 années après sa disparition. 
Rappeler sa présence ici à Choisel, nous semblait essentiel, même si…. 

                                               
                                                 « Je ne me retourne jamais, je regarde toujours vers l’avant… »
                                                                                                                                                                                                                                                                            Ingrid Bergman 



2- Une amitié d'écrivains, partagée quelques temps à Choisel

Jules Roy et Albert Camus

 



 

« La rencontre nous crée : nous n’étions rien – ou rien que des choses – avant d’être réunis. » 



 




                      Jules Roy  1907 - 2000

Le 22 octobre 1907, à l'heure où le soleil se couche et se lève la pleine lune, un petit Jules vient au monde à Rovigo, au sud d'Alger.

Il décède le 15 juin 2000 à Vézelay

Albert Camus 1913 - 1960

Le 7 novembre 1913, naît un petit Albert à Mondovi - Province de Constantine.
Il décède accidentellement le 4 janvier 1960

Des écrits 

Jules Roy, en 1946, devenu commandant d'aviation, et écrit :
"La Vallée Heureuse"
Récit des missions de bombardements de la Ruhr par l'aviation alliée, qui lui vaudra le prix Renaudot.

En 1947, Albert Camus publie :
" La Peste".
Il reçu le prix Nobel de Littérature en 1957.

Jules Roy rencontre Albert Camus
en octobre 1945 à Paris.
 


Une amitié se développa alors entre les deux écrivains. Les échanges intellectuels et artistiques entre les deux écrivains, très proches, s’avérèrent fructueux. Il fut une époque où on ne les rencontrait qu’ensemble, parfois accompagnés d’une femme dont ils étaient amoureux conjointement. Une identique passion pour leur pays natal, l’Algérie, la même conception de l’honneur, un analogue tempérament d’homme libre. Albert Camus fut la figure tutélaire, l’ange qui illumina la vie de Jules Roy de son charme et de son intelligence.  Les années d’après-guerre furent celles où les deux hommes se sentirent les plus proches. Ils vécurent ensemble quelques mois à Choisel dans la vallée de Chevreuse, partageant l’inconfort et la solitude d’une maison retirée en pleine nature. Puis leurs rapports se distendirent peu à peu. Albert Camus devint un intellectuel de renom ; Jules Roy pendant ce temps poursuivit une carrière littéraire fructueuse qui le conduisit aux portes de l’Académie Française. Jamais ils ne se perdirent de vue. De la mort de Camus le 4 janvier 1960 Jules Roy demeure inconsolable, à jamais marqué par ce scandaleux arrêt du destin. Sa vue se brouille de larmes lorsqu’il évoque la mémoire de son ami. C’est la mort d’Albert Camus qui m’a obligé à sortir du silence. Albert Camus était pour moi plus qu’un ami très cher, un véritable frère. Il m’a fallu plusieurs mois pour prendre conscience de sa disparition. 


L’installation de Jules Roy à Choisel en juillet 1947. 
Albert Camus partagea cette installation pendant quelques mois.


En été 1947, Jules Roy avisa une maison dans la vallée de Chevreuse, à Choisel. Elle devint aussi la demeure de Camus. Il s’agissait d’une ancienne maison, vaste, et peu confortable, mal isolée, mal chauffée, mais entourée d’un beau jardin de broussailles. Cet été là, chaud et ensoleillé, Camus confondait la vallée de Chevreuse avec la côte méditerranéenne. Albert Camus passa quelques mois dans ce paradis, avant de retourner à  Paris, puis s’installera à Lourmarin en 1958. Jules Roy y demeura jusqu’en 1951,  puis déménagea dans un hameau proche de Versailles, Rennemoulin. Enfin il s’installa à Vézelay, ou en 1978 il acheta une grande maison, au pied de la Basilique.


« Les années déchirement » - Journal 1925/1965 
Par Jules Roy
Extraits du journal pour la période 1947-1951 évoquant Choisel.


23 juillet 1947. Choisel, bien que je n’ouvre plus guère ce cahier et que je n’accorde plus à ma personne l’intérêt d’autrefois, le goût me vient en ce moment de noter les jours de Choisel, parce que j’ai enfin le goût du bonheur dans la bouche. La paix que je respire ici me met à l’aise ; le travail m’y est facile et fécond.
Me souvenir de mes craintes du début quand je suis venu dans cette maison le 1er juillet, seul avec Odile puis avec Jean Louis. La maison et moi avions besoin de nous apprivoiser. C’est la présence d’Odile qui a tout transformé et m’a révélé peu à peu, à travers la grâce d’Odile, la propre grâce de la maison. Elle a su trouver la place des choses et des gens.
Elle a partagé les pièces entre les Camus et nous. Elle m’a aidé à rompre avec Paris et tout ce qui m’y liait. Un mois a déjà passé. J’ai mes habitudes. Dès que j’arrive, je suis soulagé. Le jardin me parle.
Le pré, fauché, reçoit la lumière. Quelques instants plus tard, je suis capable de m’asseoir à ma table et d’écrire mon livre sur la condition militaire, et le livre que j’ai déniché dans la bibliothèque sur Alexandre le Grand m’a donné l’idée d’une pièce de théâtre.
Après quelques semaines fraîches et une longue série d’orages, l’été s’est étalé. Odile revient de tems en temps. Le vendredi, c’est Camus.
La maison craque de vie et d’idées.
Aujourd’hui, seul avec Jean Louis. Piscine et menus travaux dans le jardin. Tout à l’heure, je pars pour Paris et je m’envole ce soir avec Gallois et le patron pour un voyage rapide au Maroc. Le soleil écrase le pays. Silence de midi. Hier, il faisait si chaud sous l’orage qui ne voulait pas éclater, qu’on avait peine à respirer. J’avais dans les yeux le souvenir d’Odile me jetant un signe de la main, dimanche dernier, quand elle partait à bicyclette pour Chevreuse.

31 juillet 1947. Geneviève, qu’il m’a fallu menacer pour la forcer à venir ici, m’a aidé hier à brûler les herbes sèches et le soir s’est promenée avec moi. Cette fille de dix-sept ans couve un romantisme qui fait d’elle une plante délicate, tournée sur elle-même, ennemie de la lumière et du soleil. Hier soir, elle avait les joues rouges. Quand elle ira à la baignade et qu’elle s’y amusera, j’aurai gagné la partie. Déjà Choisel l’a, sans qu’elle sans doute, rendue moins farouche. Elle trouvait hier qu’il était beau de voir un orage éclater sur la campagne. A la tombée de la nuit, le ciel s’illuminait quelquefois comme sous un gigantesque coup de canon et ses clameurs se répercutaient dans les lointains. Tout le monde accepte la fatalité d’une nouvelle guerre, et, chose étonnante, cela rend les gens plus âpres que jamais. Roger  Grenier apporte un chien « Sarrigue » à Albert Camus. Quelques jours plus tard Camus s’installe à Paris, il laissera la maison et le chien à Jules Roy.

06 septembre 1947. Lettre à Odile : « Le silence de Choisel, le travail auquel je me force, la présence de la chienne, m’ont aidé. La solitude me calme, la paix de cette maison me gagne. Je ne sais plus très bien ce qui va m’arriver, mais j’oublie mes ennuis d’argent, les histoires d’édition et je n’ai pour vous que des pensées tendres et compatissantes. Albert Camus est venu déjeuner. Il a l’intention de s’installer ici, pour travailler sa pièce sur la peste. » (En juin 1947, Albert Camus publie La Peste, un roman auquel il pense et travaille depuis longtemps.)
 
11 avril 1948. Hier samedi, vers trois heures, les hirondelles sont revenues. Tenez-vous bien. Une auto a surgi avec Albert, Francine et Mme Koestler. Je les gentiment engueulés, leur reprochant leur trop long silence, après quoi je suis tombé dans leurs bras. Ils ont été gentils, j’ai été un ange. Francine était belle comme un marin de gloire. Albert ne boit plus et m’a paru heureux. La petite femme d’Arthur Koestler charmante comme un cœur de laitue. Albert se mouvait comme chez lui, comme pendant une visite à un frère. A Francine, j’ai demandé à quoi il travaillait. Elle m’a répondu : « Il s’est remis au théâtre, il est content. »

25 décembre 1949. Je rentre dans la nuit à Choisel, en hâte, comme si j’allais vers le seul lieu du salut. Mais qu’est donc le saut pour moi, sinon la solitude, l’irremplaçable, l’ineffable, la bienfaisante solitude, tellement haïe et désiré, l’unique infante qui ne déçoive pas, installée sous les étoiles à attendre ? J’ai allumé le feu, ouvert mon courrier, et je me suis assit devant le poêle. Le silence me berce comme une mère. Nuit bienheureuse où je me sens loin de tout désir et de toute inquiétude, devant la lettre étrange d’une inconnue que j’imagine jeune et belle, et comme moi, dans dix ans, un homme sur le seuil de la vieillesse, dois-je tenter de m’accrocher à elle avant qu’il soit trop tard ? Ou, au contraire, ouvrir encore mes mains plus grand pour ne rien retenir ? Du fond de l’hiver, je n’entends que le battement de la pendule, semblable à celui de la terre qui commence à remonter lourdement de la nuit, et que la lumière va, peu à peu, envahir.
 
11 janvier 1950. Mauvaise nouvelle : le propriétaire veut vendre et je ne puis acheter. Je vais essayer de faire traîner l’affaire.
06 novembre 1950. Je m’amuse beaucoup  de la façon dont Louis JOUVET m’appelle
« M’sieu Roy » exactement comme le dit le garde champêtre de Choisel.

22 avril 1951. A l’idée que je vais quitter Choisel, mis en vente par son propriétaire, et qu’il me faut céder si je ne veux compromettre ma paix et la nécessité où je suis d’acquérir le moyen de me retirer chaque semaine hors de Paris, j’éprouve le déchirement d’une séparation très chère. Il y aura bientôt quatre ans que je recevais là le coup de foudre qu’une maison peut donner, que je m’y installais sous l’étoile d’Odile, avec Camus, pour y entamer une nouvelle existence, et que je m’y trouvais seul, à l’automne, au milieu de mon âme dévastée. D’y avoir tenu bon, reçu toutes les consolations de la solitude et du travail, d’y avoir espéré, péché, pleuré, brûlé, m’a lié à Choisel des mêmes attachements qu’un être de chair vous vaut. Mais que pourrais-je espérer de cette maison dans l’état actuel de mes finances ? Incapable de l’acheter, j’aurais dû, si j’avais voulu emprunter les deux millions et demi qu’il m’eût fallu, me charger soi lourdement pour les rembourser que ma vie serait devenue trop accablante. Et le dédommagement qu’on offre pour hâter mon départ pourra devenir le complément de ce qui sera ma prochaine retraire. Ceux qui vont acheter Choisel l’aimeront-ils autant que moi ? Laisseront-ils la paix au couple de faisans qui s’est établi dans le parc.

Août 1951, Installation dans ma nouvelle maison à Rennemoulin, dans un hameau que personne ne connaît, non loin de Saint-Nom-la-Bretèche.
 
 
 
 


Le 06 juillet 2021 Jean-Louis Roy m’écrit :

Cher Monsieur,
Vous m’avez demandé une contribution à vos recherches. La voici, grâce aux vacances qui m’ont donné des loisirs. J’ai aimé ce retour sur site.
Amicalement
Dr Jean-Louis Roy


 
Mon père avait loué avec Albert Camus, fin des années 40, une maison de Choisel, à l’écart. J’en ai une mémoire encore précise. J’avais 15 ans, nous y avons passé plusieurs étés, ma sœur Geneviève et moi, chez notre père divorcé, où nous avons connu Odile de Lalène-Laprade, son adorée qui eut peur de lui, puis ses maîtresses occasionnelles mais surtout ses amis : Armand Guibert en particulier, pique-assiette habituel qu’il aimait aider, Roger Grenier dont la femme lui succomba, et d’autres, je n’en ai plus le souvenir. Albert Camus n’y séjourna pas souvent, quelques fois avec Francine et les jumeaux, Catherine et Jean, qui avaient alors 2 ans. Chaque fois qu’il venait, on ne s’ennuyait pas, il avait le sens de la joie et de la fête. Je me souviendrai toujours d’une séance où nous partageâmes les rôles de Carmen, ma sœur au piano. Cette maison, je ne suis pas parvenu à la retrouver sur la photo satellite, Choisel a beaucoup changé, multiples demeures, et des piscines partout. « La forme d’une ville, écrit Baudelaire, change plus vite, hélas, que le cœur d’un mortel. » La longue maison, à un étage, était au bout d’un chemin herbeux mais carrossable, orienté est-ouest je crois, au sud-ouest du village. Disposée nord-sud, la pente imposait des décrochements de trois à six marches pour relier les pièces intérieures.
Un long mur bordait le parc au sud, ne gênant pas la vue en contrebas, il se prolongeait par une prairie jusqu’à un petit ruisseau, puis des bois mRévolver deontaient et on savait le château de Breteuil pas loin. Parc et petit ruisseau en contrebas, mur de soutènement le long du chemin qui aboutissait à une placette herbeuse qui séparait cette maison de celle ou a vécu André Claveau, le chanteur de variétés, j’ai cherché et n’ai pas localisé avec certitude. Il me faudrait revenir sur mes pas de l’époque, 72 ans plus tard. Tout a forcément changé, les terrains sont occupés, les maisons ont été détruites ou remplacées, les parcs morcelés. M’y retrouverais-je ? Elle était proche d'un petit centre de sport avec piscine, au sud-ouest du centre du village : l’eau était glacée, on ne s’éternisait pas, Albert Camus faisait des cabrioles pour singer les baigneurs d’Alger, mon correspondant anglais de Birmingham y montra son crawl impeccable de champion. Poésie du souvenir, nostalgie des jours heureux. Car nous y avons été heureux, bien que méfiants envers notre père. Il avait des chiens, malinois, non éduqués, il en était incapable. Ils filaient la nuit, égorgeaient des agneaux. Il fallait leur courir après. Lors d’une de ces courses éperdues, mon père finit par attraper le plus jeune, César, par les hanches et l’abattit violemment sur le sol : fracture de cuisse, véto, guérison, il revint non assagi bien sûr. On payait pour les agneaux.
D’autres souvenirs, le coup de révolver ! Car mon père gardait chez lui son révolver d’ordonnance, à barillet, dans sa commode, avec les balles de 8 mm, et, un jour, seul, j’ai été faire le coup de feu sur des arbres. (voir en fin de texte la photo du révolver)
 

Un soir, j’étais seul encore, errant dans sa chambre au premier, je le pris en main, si lourd, ai tiré le chien sans doute, et le coup partit. La balle a tourné autour de moi en m’évitant, allant heurter la glace au-dessus de la cheminée, sans la briser. Elle avait touché en premier le coin de la commode de fruitier à côté du lit, avait vrillé à l’intérieur pour heurter le mur à côté de la table de nuit, avait ricoché contre le bois du lit et enfin, à bout de course, cogné la glace de la cheminée sans l’étoiler. J’ai eu peur. J’ai dû combler son trajet dans la commode avec de la cire, cela ne se voyait plus ; puis j’ai nettoyé le révolver et l’ai rechargé, jurant de ne plus jamais toucher une arme. Je ne sais ce que j’ai fait de la balle, j’aurais pu la conserver à titre de souvenir. Adolescent délivrés du lycée, nos journées de vacances se passaient à lire les livres de la bibliothèque assez fournie et ceux que Jules Roy ramenaient de chez Gallimard (dois-je me vanter d’avoir lu tous les 1000 premiers ouvrages parus de la Série noire, dès 1948, série inventée par Claude Gallimard, tous traduits par Marcel Duhamel), à profiter des promenades en forêt, les bois étaient proches et, si nous sommes allés au château de Breteuil, nous n’avons jamais été au village, ce qui, à présent, me paraît bien curieux. J’ai appris d’Armand Guibert les secrets de l’omelette espagnole du dimanche soir. Je me couchais, heureux et fourbu, la fenêtre ouverte sur la nuit et ses bruits, dans ma petite chambre au-dessus de la cuisine où je montais par un étroit escalier de bois. A l’intérieur, une estampe de la chambre de Van Gogh était affichée : elle lui ressemblait. La cuisine était la pièce la plus basse de la maison, une cuisinière du pays y sévissait la semaine, après son ménage, et nous apprécions ses repas. Mais le dimanche, l’improvisation prenait le relais. La cuisine était de plain-pied avec la salle à manger : une longue table, des bancs, une grande cheminée. Il fallait monter 5 à 6 marches en pierre pour monter au salon, un piano droit dans le coin, canapés et banquettes. Au fond, une porte menait à la sortie, la placette où était le garage, mais, à l’intérieur, avant de sortir, était un billard au fond. Juste avant, l’escalier montait aux chambres, celle de mon père et, peu en contrebas, celle de Camus qui était rarement là et où une éventuelle maîtresse pouvait prétendre avant de se glisser rejoindre la couche paternelle. C’est à Choisel que j’ai appris à conduire, sortant seul la 202 du garage, étonné qu’elle cale à l’arrêt, personne ne m’avait enseigné les vertus de l’embrayage. Puis ce fut la 4CV Renault, bleue, dont j’ai fracassé l’avant dans un garage de Chevreuse après une révision, démarrant trop fort au point que mon père, de son siège passager, a voulu intervenir, mais il n’a fait, avec son pied gauche, qu’appuyer plus fort sur mon pied droit qui n’avait pas encore quitté l’accélérateur : Boum dans le mur d’en face ! On prit le train pour rentrer à Paris. Ambiance… Ensuite j’ai dû attendre de pouvoir me payer ma première 2 CV pour reprendre la conduite après avoir passé le permis. En attendant, je me suis contenté du VéloSoleX acheté à 21 ans (en 1951) quand j’ai pu disposer de ce que mon grand-père Dematons avait économisé pour ses petits-enfants Roy, la valeur d’une automobile pour chacun : ce n’était plus que la valeur d’un vélomoteur par l’inflation survenue entre 1938 et 1951, non répercutée sur les carnets de la Caisse d’Epargne. Et il a roulé ce VéloSoleX, et j’en ai fait des chutes sur les pavés mouillés de Paris pendant ces années 50, protégé par le duffel-coat épais de la Royal Navy, ramené par mon père d’Elvington. Je l’avais toujours ce manteau quand je suis monté en gamme, achetant une Lambretta, scooter bien équilibré qui ne donnait pas à son conducteur l’attitude scoliotique des possesseurs de la Vespa au moteur excentré. A 22 ans, j’étais père, je ne pouvais plus vivre sans protéger femme et enfant, il me fallait une voiture. Ainsi pouvaient se terminer les années 50, les trente glorieuses commençaient. Des enfants, j’en eus trois, des garçons. On partit tous pour Dijon quand l’aîné eut 10 ans, Paris était déjà difficile à vivre, j’avais fait depuis longtemps le chois d’en partir. Et je désirais être indépendant et libre. Alors le calme de Dijon après le calme idyllique de Choisel, étais-je prédestiné ? Mon métier, je l’ai aimé, exercé avec conscience, énergie et responsabilité, désirant figurer parmi les meilleurs à force d’érudition à défaut de pratique, car l’exercice solitaire en clientèle de ville n’est pas idéal pour un médecin, il finit par se lasser de voir des patients dont les plaintes ne sont que fonctionnelles et chez qui il répète en vain des examens toujours normaux. La solution est de s’intéresser à leur vécu et de faire de la psychothérapie. De là ma conversion à l’hypnose dès qu’elle a été démontrée scientifiquement efficace. Peu de mes confrères ont compris. Mais ça commence à prendre. Après ces années 50, il y eut d’autres jours où vivre heureux à Choisel ou à Dijon. 

 

                                        Révolver de Jules Roy
 

Révolver de Jules Roy



Le 25 septembre 2021

Rencontre avec Monsieur Jean-Louis Roy dans la maison de son père , Jules Roy.
Le Clos du Couvent à Vézelay.

 

Je tiens à remercier :

·         Tout particulièrement Monsieur Jean-Louis Roy, avec qui j’ai longtemps échangé, et pour son invitation à venir partager un moment souvenir à Vézelay le 25 septembre 2021, dans la maison-musée de son père Jules Roy.  Journée extraordinaire. 

·         Monsieur Guy Dugas, Professeur des universités, il dirige à l’université de Montpellier le fonds Jules Roy, pour sa bienveillance lors de nos échanges téléphoniques et notre rencontre également le 25 septembre 2021 à Vézelay. 

·         






 

·         Madame Catherine Camus ainsi que son assistant Alexandre pour avoir répondu à mes sollicitations. Madame Catherine Camus n’avait que 2 ans lors de son séjour à Choisel, elle n’en garde pas de souvenirs, ni de documents de son père retraçant cette période.  Seulement que son père Albert Camus a brièvement séjourné à Choisel à deux reprises lors de l’année 1947 (juillet et septembre).

·         Monsieur Guy Basset, homme de lettres, il a publié de nombreux articles sur l’œuvre d’Albert Camus, en qualité d’administrateur de la Société des Études Camusiennes, j’ai eu le plaisir de le rencontrer. 

·         Sans oublier Madame Agnès Spiquel de la Société des Études Camusiennes, et Monsieur Thierry Léonard, du conseil départemental de l’Yonne, responsable de la maison- musée Jules Roy « le  clos du couvent » à Vézelay. 



3-A la mémoire de nos trois mousquetaires


 

Nous connaissons, "Les trois mousquetaires", célèbre roman d’Alexandre Dumas.
Une amitié de gentilshommes dans le corps des mousquetaires au service du Roi Louis XIII.

Ici aussi à Choisel, une histoire autour de trois mousquetaires.
Trois ambassadeurs de la chanson française.
Ils s’appelaient et signaient pour certaines occasions
Au Nom des « 3 mousquetaires Rimorièrins » 
Pierre Bayle – Jacque Simonot et André Claveau 
Au service de l’art musical. 

 

Ci-dessous photo de la signature de Pierre Bayle au nom des « 3 mousquetaires Rimorièrins » en 1951 



"Les 3 mousquetaires Rimorièrins"

Pierre Bayle, de son nom de naissance :
Edouard, Louis, Pierre Bayle, 

(Pseudonyme : Pierre Verdier), né le 21 janvier 1896 à Nîmes et décédé le 10 octobre 1952 à Choisel 

 

Jacque Simonot, de son nom de naissance : Jacques, René Simonot, né le 03 mai 1912 à Dijon et décédé le 04 mars 1961 à Choisel 

 

André Claveau, né le 29 décembre 1911 à Paris et décédé le 04 juillet 2003 à Agen 

Pierre Bayle et Jacque Simonot, l’un parolier et chanteur, l’autre  auteur-compositeur, pianiste, organiste et chef d’orchestre, ont vécu quelques années à Choisel, ils ont en commun plusieurs compositions, dont une que je vous fais partager :
« Ah que la France est belle » 
Paroles de Pierre Bayle et Musique de Jacque Simonot 

 
Ci-dessous une partition originale imprimée en 1941, qu’un collectionneur de Dijon, m’a gentiment adressé.

Pierre Bayle et Jacque Simonot, ont participé régulièrement à des manifestations de solidarité dans la vallée

Une de leurs participations : 

Lors d’une grande soirée artistique en date du 18 juillet 1949, qui a réuni plusieurs artistes, et organisée par le comité pour la reconstruction de l’église de Chevreuse, dans le magnifique parc du Château de Breteuil, avec un bal Champêtre à l'Orangerie.


Ci-dessous le programme



Le troisième mousquetaire : André Claveau, personnage discret,  surnommé le prince de la chanson de charme a, pendant une petite année entre fin 1950 et novembre 1951, en quittant Saint Cloud et avant de s’installer à Chevreuse, vécu à la Rimorière pendant ce laps de temps. 

"Confirmé par Jean-Louis Roy qui se souvient, il m’écrit, en relatant le séjour de son père et d’Albert Camus.
La maison que louait mon père-  Jules Roy – se trouvait le long du chemin qui aboutissait à une placette herbeuse qui séparait cette maison de celle ou a vécu André Claveau, le chanteur de variétés."

André Claveau a été en 1958, le premier Français à remporter le Concours Eurovision de la Chanson, avec la chanson « Dors mon amour ».

La complicité entre ces trois artistes a largement continué après le départ d’André Claveau de Choisel. 

Le 19 juillet 1952, André Claveau  organise un gala à Chevreuse, il fait appel à ses deux amis, Pierre Bayle et Jacque Simonot pour le guider et l’aider à cette soirée.

« Une pluie d’étoiles sur Chevreuse »

Depuis, et après ces années passées à Choisel, les lumières se sont éteintes, André Claveau a choisi la terre de  Brassac pour y reposer,  Pierre Bayle et Jacque Simonot ont choisi la terre de Choisel pour un repos éternel, côte à côte.

Tombes de Pierre Bayle et de Jacque Simonot, avant nettoyage.


L’ASPC a souhaité, par ces quelques lignes, rendre en toute simplicité un petit hommage à ces artistes.

 

Mais là ne s’arrête pas l’histoire, pour honorer la mémoire de Pierre Bayle et de Jacque Simonot, nous avons demandé à la mairie l’autorisation d’entretenir leurs pierres tombales.

 

Monsieur Seigneur, par sa réponse, nous autorise le nettoyage et la reprise des inscriptions de ces tombes dans le respect dû au lieu et à ces défunts.

Ces deux monuments nécessitent un nettoyage complet.

Pour celui de Pierre Bayle, toute en délicatesse et un nouveau fleurissement dans la jardinière.

Pour les gravures de Jacque Simonot, nous allons demander un rechampissage des lettres, auprès d’un professionnel.

Quant aux gravures de Pierre Bayle, la pierre tombale étant en granito et d’un état dégradé, fragilisée par le temps, nous ne pourrons qu’apposer une nouvelle plaque funéraire en laiton, au nom de Pierre Bayle.

 

Ainsi ce lieu du souvenir, aux noms de Pierre Bayle et Jacque Simonot, retrouvera un peu de la lumière, chère aux artistes.

 

                                                                     Philippe Levesqueau

 

  Tombes de Pierre Bayle et de Jacque Simonot, après nettoyage.

4- Choisel, terre d'accueil  et d'inspiration pour des artistes

Un jardin secret à Choisel

PAUL DELVAUX

Les rencontres - L’amitié - Les amours - Le séjour à Choisel.

Paul Delvaux,  né le 23 septembre 1897 à Antheit (Belgique)  et décédé le 20 juillet 1994 à Furnes (Belgique), est un peintre post-impressionniste, expressionniste puis surréaliste belge.



Claude Spaak, né le 22 octobre 1904 à Bruxelles et décédé le 18 février 1990 à Fontenay-les-Briis dans l’Essonne, dramaturge et essayiste, écrivain et amateur d’art. Il avait l’œil et fut l’ami de René Magritte et de Paul Delvaux.


Les rencontres :
C’est en 1928, que Claude Spaak fait son entrée au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, et rencontre Paul Delvaux.
C’est également cette même année 1928, que Paul Delvaux  fait  la connaissance d’Anne-Marie De Maertelaere (de son surnom : Tam) et en tombe amoureux. Malheureusement cette idylle ne se concrétisera pas par un mariage. 
 

L’amitié : 

Bien vite Claude Spaak se lie d’amitié avec Paul Delvaux et décèle immédiatement tout le talent qui couve encore et ne demande qu’à éclater chez celui-ci. Il suit son travail de très près et l’encourage à poursuivre sa voie. 

Claude Spaak écrira en février 1931 un article prophétique lequel constitue un magnifique hommage à l’artiste. Ci-dessous quelques extraits : 

  •  Il m’est donné aujourd’hui une occasion unique, présenter un artiste que je considère comme un véritable artiste et être le premier à le faire. Son œuvre se forme dans la solitude qu’il entretient sans défaillance. 
  • De n’avoir eu de maître que lui-même, Paul Delvaux s’est recréé un univers aussi vrai que celui qui finit par s’imposer tôt ou tard à celui qui s’abandonne à le chercher. Mais il se l’est créé sans perdre en même temps la naïveté, la spontanéité, l’énergie volontaire de la jeunesse. 

 

 Lors d’un concert, Paul Delvaux fut fasciné par sa voisine dont les yeux bleus, grands et profonds le subjuguèrent. A partir de ce jour, les modèles de l’artiste héritèrent de ce regard à la fixité étrange si caractéristique de sa peinture. Cette voisine était l’épouse de Claude Spaak, Suzanne Spaak, née Suzanne Lorge. 

Lorsque l’on connaît les actes héroïques déployés par cette dernière au cours de la seconde guerre mondiale et sa fin tragique, - elle fut fusillée par l’occupant le 12 août 1944 à la prison de Fresnes, juste treize jours avant la libération de Paris-, il est à la fois réconfortant et émouvant de constater que le regard de cette grande résistante a été fixé à jamais et se perpétuera grâce à la palette et au talent d’un grand peintre. 

Vers 1930, Paul Delvaux peignit un tableau représentant Suzanne Spaak et sa fille. 





Les amours :
Paul Delvaux épousa Suzanne Purnal en 1937 (née en 1900 à Visé dans la province de Liège. Elle fit ses études à l’école normale de Tournai et fréquenta le conservatoire de la même ville, ou elle poursuivit sa formation de pianiste). Paul Delvaux se rendait fréquemment au Palais des Beaux-Arts pour voir son ami Claude Spaak, c’est là qu’il fit la connaissance de Suzanne Purnal, et en tomba follement amoureux. Mais le mariage concrétise bien vite une union dont l’échec est déjà par avance annoncé.
Le 27 août 1947, Paul Delvaux séjournant à Anvers, se rend dans un magasin pour acheter des cigarettes et une émotion indicible l’envahit lorsqu’il reconnaît la voix de Tam (Anne-Marie De Maertelaere) occupée à effectuer des achats dans ce magasin. Ce pur hasard tient du miracle : près de vingt ans se sont écoulés depuis la rupture mais le souvenir de cette idylle reste toujours vivace. Ils renouent immédiatement et constatent que leurs sentiments n’ont pas changés : ils s’aiment toujours aussi passionnément.
Commence alors une longue période traumatisante pour l’artiste qui ne sait pas très bien sur quel pied danser. Il se sent coupable, étant toujours marié et dépendant de Suzanne Purnal, d’avoir une maîtresse. Vivre une telle situation est difficilement soutenable pour le peintre. De plus ses œuvres ne se vendent pas : or, il lui faut de l’argent pour vivre, si d’aventure il voulait se libérer de l’emprise de Suzanne.
Claude Spaak, lui  proposa un contrat qui lui garantissait une rentrée d’argent en échange de sa production, Paul Delvaux l’accepta, en écrivant à Claude Spaak : 


·         A moi maintenant de faire honneur le mieux que je pourrai à ma signature …

 

Claude Spaak se démenait en vain pour écouler les tableaux et bientôt le contrat qui les liait, fut remis en question. 

En mars 1948, le moral du peintre est au plus bas : tiraillé entre ses sentiments pour Tam, la crainte de Suzanne et l’incertitude la plus complète quant à son avenir de peintre, il tourne en rond incapable de prendre une décision. 


 

Le séjour à Choisel : 

C’est alors, de passage à Paris chez Claude Spaak, que celui-ci lui propose d’emmener Tam dans sa propriété de Choisel. 
Le 17 décembre 1948, après toutes les hésitations que l’on devine,  Paul Delvaux décide d’emmener Tam à Choisel et avertit Claude Spaak de leur arrivée prochaine. 
Il n’était nullement question d’une installation définitive à Choisel mais bien de répondre à une invitation de Claude Spaak. La maison, d’un décor champêtre et disposant d’un confort minimum mais suffisant, l’inspira. 
À Choisel, il entama bien vite un premier tableau « L’annonciation » et c’est Tam qui lui servit de modèle. 




(Ci-dessous tableau de l’annonciation version 1955). 

Il écrivit régulièrement à Claude Spaak :
Ici, à Choisel, il fait admirable, la végétation pousse à une rapidité déconcertante. Tam se porte bien et aime Choisel. Pour elle et pour moi aussi, c’est une grande étape. Je travaille toujours à cette annonciation qui avance.
Alors en mars 1949, Claude Spaak lui propose un nouveau contrat, et en avril Paul Delvaux  termine l’Annonciation.
Paul Delvaux, continue d’écrire à Claude Spaak et à ses amis, à Robert Giron, il écrit :
Ici, à Choisel je suis heureux avec Tam et je travaille le plus possible occupé à un grand tableau, forme retable qui représente la déposition de la Croix, mais la scène se passe avec des squelettes. Claude m’a suggéré cette idée, que j’ai repoussé autrefois et qui aujourd’hui, m’a tout à coup intéressé.




La Descente de la Croix


                                                                              Signature
                                                                                          Paul Delvaux
                                                                                  Choisel          7-49 


      

Pour comprendre la signification de mes tableaux, il suffit de les regarder

                                                                                                          Paul Delvaux


Anecdote de Paul-Louis Spaak, fils de Claude Spaak : Paul Delvaux avait acheté à Paris un squelette qui lui servait de modèle. La maison de Choisel se trouve légèrement en retrait de la route, séparée de celle-ci par une haie vive qui, à l’époque, ne dépassait pas un bon mètre de hauteur. Pour peindre son panneau, Paul Delvaux plaçait son « modèle » près de la haie afin de bénéficier du recul qu’il jugeait nécessaire. On peut imaginer la réaction des passants lorsqu’ils apercevaient un crâne humain surgissant du feuillage ...
 
C’est cette admirable première version de « Ecce Homo », tableau majeur qui finalisera son séjour à Choisel.
Paul Delvaux et Tam reviennent en Belgique, dès la fin juillet 1949. Mais le couple garde un souvenir inoubliable du séjour à Choisel.
 
 
Pour preuve : Extraits des lettres adressées en août 1949 à Claude Spaak :
Tam et moi pensons à Choisel, aux bonnes heures de joie et de travail que nous y avons passées. Tam a placé la photo de la maison dans la salle à manger sur le buffet et souvent, nous allons la regarder
Tam rajoute : Les jours ici passent tous aussi beaux, aussi pleins d’admirables heures qu’à Choisel…Je pense toujours à cette chère maison de Choisel ! Jamais  je n’oublierai les jours heureux passés là…

                                                                                                                                                                                     Et la vie continue…
 
 
 
 


Suzanne  Augustine Lorge épouse Spaak, née le 06 juillet 1905 à Bruxelles, fusillée le 12 août 1944.

 

     « Portrait de Tam », 1930.